Mental depression in patients with tuberculosis in Yaounde, Cameroon
Balkissou Adamou Dodo1,2, Pefura-Yone Eric Walter1,2, Kamga Olen Jean-Pierre1,2, Efe-de-Melingui Nelly Rachel3, Afane-Ze Emmanuel1,2
1Departement de Médecine Interne et Spécialités, Faculté de Médecine et des Sciences Biomédicales, Université de Yaoundé I, Yaoundé, Cameroun
2Hôpital Jamot de Yaoundé, Yaoundé, Cameroun
3Institut Supérieur de Technologie Médicale, Yaoundé, Cameroun
TO CITE: Balkissou AD, Pefura-Yone EW, Kamga OJP, Efe-de-Melingui NR, Afane-Ze E. Dépression mentale au cours de la tuberculose à Yaoundé : The Papers of Medical Sciences 2018;1:e001.
KEYS WORDS:
Depression, tuberculosis, Sub-Saharan Africa
ARTICLE INFO
Received: 20th January 2018
Accepted: 20th April 2018
Available online: 20th April 2018
Correspondence to:
Balkissou AD, Email : dodobalkissou@gmail.com
ISSN: 2663-7545
Copyright ©2018, Balkissou et al. This is an open access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License, which permits unrestricted use, distribution and reproduction in any medium, provided the original authors and source are credited.
RESUME
Introduction: La dépression mentale (DM) est une comorbidité fréquente chez les patients atteints de tuberculose (TB). Le but de cette étude était de comparer la prévalence de la DM chez les adultes ayant une TB active et ceux n’ayant jamais eu de TB et rechercher les déterminants de la DM au cours de la TB.
Méthodes: Il s’agissait d’une étude cas-témoins incluant 298 adultes atteints de TB âgés de plus de 18 ans (groupe TB) et 298 témoins (groupe témoin). Les cas étaient les patients atteints de TB hospitalisés à l’Hôpital Jamot de Yaoundé de janvier à décembre 2012. Les témoins étaient des sujets qui n’avaient jamais eu une TB active et sélectionnés parmi les sujets ayant participé à une enquête sur la santé respiratoire à Yaoundé (ESR) de décembre 2013 à avril 2014 et inclus à l’aide d’un échantillonnage stratifié à 3 degrés. Les témoins ont été appariés sur le sexe et l’âge (±2ans) des cas par sélection aléatoire parmi les sujets adultes inclus dans l’ESR. La DM était définie par un score Patient Health Questionnaire 9 (PHQ-9) ≥ 10. La régression logistique a été utilisée pour rechercher les facteurs associés à la DM.
Résultats: Dans les 2 groupes, 189 (63,4%) sujets étaient de sexe masculin et la moyenne d’âge (écart-type) était de 36,4 (12) ans dans le groupe TB et de 36,1(12,5) dans le groupe témoin (p=0,567). La prévalence de la DM dans le groupe TB était de 30,9% contre 7,7% dans le groupe témoin (p<0,001). Après analyse multivariée, la TB active était un facteur de risque de la DM avec un odds ratio ajusté(ORA) de 14,93(IC à 95% : 4,30-51,93). Dans le groupe TB, les facteurs indépendants associés à la DM étaient le sexe féminin [ORA (IC à 95%) : 1,85(1,08-3,17)] et la TB pulmonaire [3,13(1,50-6,52)].
Conclusion: La TB est un facteur de risque de la dépression mentale à Yaoundé. Il est important de rechercher la dépression mentale chez les sujets atteints de TB et particulièrement dans les groupes à haut risque, afin d’optimiser la prise en charge globale de ces patients.
Mots-clés : Dépression, tuberculose, Afrique sub-saharienne
ABSTRACT
Introduction: Mental depression (MD) is a common comorbidity in patients with tuberculosis (TB). The aim of this study was to compare the prevalence of the MD in adults with active TB and those who had never had TB and to investigate the associated factors of MD in patients with TB.
Methods: This was a case-control study including 298 adults with TB aged 18 years and above (TB group) and 298 controls (control group). The cases were TB patients hospitalized at Yaoundé Jamot Hospital from January to December 2012. The controls were subjects who had never had active TB and were selected from those who participated in a respiratory health survey (ESR) in Yaoundé from December 2013 to April 2014 and included using 3-level stratified sampling method. Controls were matched by sex and age (± 2 years) by random selection among adult subjects included in the ESR. MD was defined by a Patient Health Questionnaire 9 (PHQ-9) score ≥ 10. Logistic regression was used to investigate the factors associated with MD.
Results: In both groups, 189 subjects (63.4%) were men and the mean age (standard deviation) was 36.4 (12) years in the TB group and 36.1 (12.5) years in the control group (p = 0.567). The prevalence of MD in the TB group was 30.9% versus 7.7% in the control group (p <0.001). In multivariate analysis, active TB was a risk factor for MD with an adjusted odds ratio (AOR) of 14.93 (95% CI: 4.30-51.93). In the TB group, the independent associated factors to MD were female gender [ORA (95% CI): 1.85 (1.08-3.17)] and pulmonary TB [3.13 (1.50 -6, 52)].
Conclusion: TB is a risk factor for mental depression in Yaoundé. It is important to look for mental depression in subjects with TB, especially in high-risk groups in order to optimize the overall management of these patients.
Key-words: Depression, tuberculosis, Sub-Saharan Africa
INTRODUCTION
La tuberculose (TB) et la dépression mentale (DM) demeurent des véritables fléaux dans le monde et particulièrement en Afrique. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estimait à 10,4 millions le nombre de personnes ayant contracté la TB et à 1,6 millions le nombre de décès dû à la TB dans le monde en 2016 [1]. La TB est responsable de 40% de décès chez les personnes ayant une infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) [1]. En 2016 au Cameroun, plus de 26 000 cas de TB toutes formes confondues ont été enregistrés, soit une incidence estimée à 212 cas pour 100000 habitants [2]. Les chiffres sur la DM mentale sont tout aussi alarmants. Selon l’OMS, La DM est la première cause de morbidité et d’incapacité dans le monde, et estime que plus de 300 millions de personnes dans le monde vivent avec ce problème, soit une augmentation de plus de 18% de 2005 à 2015 [3]. La DM est caractérisée par une tristesse, une perte d’intérêt ou de plaisir, des sentiments de culpabilité ou de faible d’estime de soi, des troubles de sommeil ou de l’appétit, d’une sensation de fatigue et d’un manque de concentration. L’anxiété et la DM sont des comorbidités fréquemment retrouvées chez les patients atteints de TB [4–7]. Des études africaines retrouvent une prévalence de la DM variant de 27,7% à 81,0% chez des patients atteints de TB en utilisant différentes échelles telles que celle du Patient Health Questionnaire à 9 item (PHQ-9) [6], Hamilton depression rating scale [4] et l’échelle de Kessler [8]. Les facteurs considérés comme étant associés à la DM retrouvés dans ces études étaient la toux chronique persistante, un bas niveau socio-économique, les personnes âgées, les patients ne vivant pas en couple, une longue durée d’évolution de la maladie, une stigmatisation relative à la TB et l’infection par le VIH [4,6,8]. La plupart des études réalisées sur l’association entre la TB et la DM sont des études transversales et ne permettent pas de considérer la TB comme un facteur de risque de la DM. Ainsi, le but de cette étude était de but de cette étude était de comparer la prévalence de la DM chez les adultes ayant une TB active et ceux n’ayant jamais eu de TB et rechercher les facteurs de risque de la DM au cours de la TB.
PATIENTS ET METHODES
Type et population d’étude
Nous avons réalisé une étude cas-témoin apparié incluant 298 adultes atteint de tuberculose âgés de plus de 18 ans (groupe tuberculose) et 298 témoins (groupe témoin). Les cas étaient des patients atteints de TB active hospitalisés dans le service de Pneumologie A de l’Hôpital Jamot de Yaoundé de Janvier à Décembre 2012. Le recrutement des cas était consécutif et exhaustif par le personnel infirmier, formé pour le remplissage des fiches. Les témoins ont été appariés sur le sexe et l’âge (±2ans) des cas, par sélection aléatoire parmi les sujets adultes inclus dans l’enquête sur la santé respiratoire à Yaoundé (ESR). Les témoins étaient des sujets qui n’avaient jamais eu une TB active et sélectionnés parmi les sujets ayant participé à l’ESR de Décembre 2013 à Avril 2014. Yaoundé, capitale politique du Cameroun est située dans la région du centre. Cette ville cosmopolite comptait sept arrondissements avec une population de 2.440.462 habitants en 2011 [9]. Elle compte environ 2000 zones de dénombrement (ZD) et chaque ZD compte environ 140 à 220 ménages [9]. Etaient exclus les sujets refusant d’y participer. La procédure appliquée pour l’inclusion des sujets du groupe témoin dans cette étude a déjà été décrite ailleurs[10]. En bref, un échantillonnage stratifié en grappe a été appliqué pour l’inclusion des sujets dans cette étude. Un consentement éclairé a été obtenu auprès de chaque sujet avant l’inclusion dans l’étude.
Collecte des données
Les sujets chez qui un consentement éclairé a été obtenu ont été invités à participer à l’étude en remplissant un questionnaire préétabli. Les questionnaires comportaient les données socio-démographiques, les données cliniques sur la tuberculose et un auto-questionnaire sur l’anxiété et la dépression mentale (DM). Les données socio-démographiques comportaient : le sexe, l’âge, le statut matrimonial (célibataire, marié, veuf ou divorcé), la région d’origine, le groupe ethnique, le plus haut niveau d’éducation scolaire (primaire, secondaire, universitaire ou analphabète) et la profession. La consommation du tabac a été recherchée et les sujets catégorisés en fumeurs (sujets qui avaient déclaré avoir fumé au moins une cigarette par jour pendant au moins un an, ou qui avaient fumé au moins 20 cigarettes dans leur vie et continuaient à fumer), ex-fumeurs (toute personne qui déclarait avoir arrêté de fumer depuis au moins 6 mois) et non-fumeurs. Ceux utilisant d’autres formes d’inhalation tabagique (pipe, prise, shisha) sont considérés comme fumeurs s’ils consomment du tabac depuis au moins un an. La consommation d’alcool était évaluée par le mode de consommation : actuelle régulière, actuelle occasionnelle, ancien consommateur (au moins 12 mois sans consommation de l’alcool), n’a jamais consommé de l’alcool ; ainsi que le type d’alcool (bière, vin, liqueur, alcool local) et quantité journalière moyenne. Le statut sérologique de l’infection à VIH a été répertorié et la forme clinique de tuberculose précisée. Les définitions internationales des cas ont été utilisées pendant l’étude. Un nouveau cas est un patient n’ayant jamais été traité par les médicaments antituberculeux ou ayant été traité pendant moins d’un mois. Le patient dont la recherche des bacilles acido-alcoolo-résistants à la microscopie est positive était considéré comme tuberculose pulmonaire à microscopie positive(TPM+), tandis que le patient diagnostiqué comme tuberculose pulmonaire mais dont les crachats ne présentent pas de BAAR est traité comme tuberculose pulmonaire à microscopie négative (TPM-), dès lors le diagnostic est posé sur la base de la clinique, la radiographie, l’absence de réponse aux antibiotiques à germe non spécifique et sur la décision du médecin d’administrer le traitement antituberculeux. Une rechute est considérée chez un patient qui a présenté auparavant une tuberculose pour laquelle il a été traité et déclaré guéri ou traitement terminé mais qui revient avec une nouvelle TB prouvée. malade ayant pris le traitement antituberculeux pendant plus d’un mois et l’ayant arrêté pendant deux (02) mois au moins est considéré comme retraitement ou reprise de traitement. Une tuberculose extra-pulmonaire (TEP) est une TB située hors des poumons. Un malade dont l’examen de crachats retrouve les BAAR au 5e mois est classé comme échec de traitement [11].
Les sujets ont été invités à remplir les auto-questionnaires permettant l’évaluation de la DM et l’anxiété. Ces tests sont adaptés aux critères du DSM-IV[12]. Dans cette étude, nous avons évalué le trouble anxieux généralisé (TAG) par le questionnaire du TAG à 7 items « Generalised Anxiety Disorder 7-item (GAD-7) », construit par Spitzer et al en 2006 [13]. L’échelle GAD-7 a été validée dans d’autres études, et est considérée comme ayant des caractéristiques psychométriques adéquates comme la validité et la fiabilité. Cette échelle contient 7 items évaluant la présence des symptômes anxieux au cours des deux dernières semaines avant la consultation et chaque item est côté de 0 (jamais) à 3 (presque tous les jours), donnant un score total GAD-7 allant de 0 à 21. Les patients confus par les options de réponses aux différents items ont été instruits que : « Jamais= 0-1 jour » ; « Plusieurs jours=2-6 jours » ; « Plus de la moitié du temps=7-11 jours » ; « Presque tous les jours=12-14 jours ». Les participants étaient classés en fonction du niveau des symptômes anxieux en accord avec Spitzer et al [24]. Les patients qui avaient un score GAD-7 ≥ 10 étaient considérés comme ayant une anxiété généralisée [7,13]. La DM était recherchée et évaluée par l’échelle du questionnaire sur la santé du patient-9 « Patient Health Questionnaire-9 (PHQ-9) ». Ce questionnaire a été développé en 1999 comme la version d’auto-questionnaire du questionnaire d’évaluation des troubles mentaux dans les soins de santé primaires (PRIME-MD) [14]. Cette échelle a une consistance interne, une validité et une fiabilité élevées et a été validée par plusieurs autres étude [14,15]. Le PHQ-9 permet le dépistage et l’évaluation de la sévérité de la dépression mentale, est une échelle à 9 items évaluant la présence des symptômes dépressifs au cours des deux dernières semaines avant la consultation. Chaque item est côté de 0 (jamais) à 3 (presque tous les jours). Les patients qui étaient confus par les options de réponses aux différents items étaient instruits que : « Jamais= 0-1 jour » ; « Plusieurs jours=2-6 jours » ; « Plus de la moitié du temps=7-11 jours » ; « Presque tous les jours=12-14 jours ». Par ailleurs, La sommation des sous-scores des 9 items donne un score variant de 0 à 27. Les sujets qui avaient un score PHQ-9≥10 étaient considérés comme ayant une DM [16].
Approbation éthique
L’étude a été approuvée par les comités d’éthique institutionnels de l’Hôpital Jamot de Yaoundé et de la Faculté de Médecine et des Sciences Pharmaceutiques de l’Université de Douala au Cameroun. Un consentement éclairé a été obtenu auprès des participants avant l’inclusion dans l’étude.
Analyse statistique
L’analyse des données était faite grâce au logiciel SPSS pour Windows version 20 (SPSS Inc., Chicago, IL). Les variables qualitatives ont été représentées sous forme de fréquence et de proportion. Les variables continues étaient exprimées par leur moyenne (écart-type) quand la distribution était normale sinon elles étaient représentées par leur médiane (intervalle interquartile). Le test de khi-2 et la probabilité exacte de Fisher ont été utilisés pour la comparaison des proportions. Le test de Student ou son équivalent non paramétrique de Mann-Whitney était utilisé pour la comparaison des variables quantitatives. La régression logistique multinominale a été utilisée pour rechercher les facteurs associés à la DM. Les potentiels facteurs explicatifs ont d’abord été testés par la régression logistique univariée, puis les facteurs associés à la DM avec p < 0.10 ont été introduits dans un même modèle de régression logistique multivariée pour rechercher les facteurs indépendants associés à la DM. Une différence était considéré comme significative si p<0,05.
RESULTATS
Caractéristiques générales de la population d’étude
Deux cent quatre-vingt-dix-huit patients atteints de TB et 298 témoins ont été inclus dans cette étude. L’âge moyen (écart-type) des sujets du groupe TB était de 36,4(12,4) ans et ceux du groupe témoin de 36,1(12,5) ans. Les sujets de sexe masculin prédominaient dans les deux groupes (63,4%). Plus de 80% de la population d’étude avaient au moins un niveau d’éducation scolaire secondaire, et près de 40% de la population dans chaque groupe vivaient en couple. La prévalence du tabagisme (21,5% vs 3,7%, p<0,001) et de l’infection à VIH (40,2% vs 1,7%) étaient significativement plus élevée dans le groupe TB. L’anxiété était plus fréquemment retrouvée dans le groupe TB (12,8%) par rapport au groupe témoin (5,7%), Tableau I.
Tableau I : Caractéristiques des sujets du groupe tuberculose et des sujets du groupe témoin
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Facteurs | Groupe tuberculose
n= 298(%) |
Groupe témoin
n= 298(%) |
p |
Hommes | 189(63,4) | 189(63,4) | 1,000 |
Age, moyen (écart-type) | 36,4(12,4) | 36,1(12,5) | 0,567 |
Vie en couple | 113 (37,9) | 118 (39,6) | 0,674 |
Niveau d’éducation ≥ secondaire | 240 (80,5) | 247 (82,9) | 0,458 |
Emploi | 221 (71,1) | 206 (69,1) | 0,591 |
Fumeur/Ex-fumeur | 64 (21,5) | 3 (3,7) | <0,001 |
Anxiété (GAD-7 ≥10) | 38 (12,8) | 17 (5,7) | 0,003 |
Dépression (PHQ-9 ≥10) | 92 (30,9) | 23 (7,7) | <0,001 |
Infection à VIH | 119 (40,2) | 5 (1,7) | <0,001 |
GAD: general anxiety disorder, PHQ : patient health questionnaire, VIH : virus de l’immunodéficience humaine
Tuberculose et risque de dépression mentale
La prévalence de la DM était significativement plus élevée dans le groupe TB (12,8% vs 5,7%, p < 0,001). Après analyse multivariée, incluant les potentiels facteurs de risque de la DM et les variables démographiques, la TB restait un facteur de risque de la DM avec un odds ratio ajusté (intervalle de confiance à 95%) de 14,93(4,30-51,93), Tableau II.
Tableau II : Facteurs prédictifs de la dépression mentale chez les sujets atteints et non atteints de tuberculose
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Facteurs | Odds ratio ajusté (IC à 95%) | p |
Age, par diminution d’un an | 1,02(1,00-1,05) | 0,062 |
Sexe féminin | 1,63(0,93-2,86) | 0,089 |
Vit avec un conjoint | 1,42(0,82-2,46) | 0,206 |
Niveau d’éducation < secondaire | 1,53 (0,82-2,85) | 0,183 |
Sans emploi | 1,21(0,68-2.14) | 0,524 |
Tabagisme | 1,74(0,89-3,39) | 0,104 |
Infection à VIH | 1,26(0,75-2,12) | 0,386 |
Tuberculose active | 14,93(4,30-51,93) | <0,001 |
IC : intervalle de confiance, VIH : virus de l’immunodéficience humain
Déterminants de la dépression mentale au cours de la tuberculose
L’analyse univariée des facteurs associés à la DM chez les sujets atteints de TB est présentée dans le tableau III. La DM était plus fréquente chez les patients de sexe féminin que chez ceux de sexe masculin (36,7% vs 27,5%, p=0,099). La prévalence de la DM était de 33,8% chez les sujets qui n’avaient pas franchi le niveau secondaire contre 18,5% chez les sujets qui avaient un niveau d’éducation universitaire. Par ailleurs, dans le groupe DM, 88% des patients avaient une TB pulmonaire contre seulement 70,9% dans le groupe des patients non déprimés (p=0,002).
Tableau III : Analyse univariée des facteurs associés à la dépression chez les patients atteints de tuberculose
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Caractéristiques | Groupe total
n=298(%) |
Dépression
n=92(%) |
Absence de dépression
n=206 (%) |
OR brut (IC à 95%) | p |
Sexe | |||||
Féminin | 109(36,6) | 40(43,5) | 69(33,5) | 1,53(0,92-2,53) | 0,099 |
Masculin | 189(63,4) | 52(56,5) | 137(66,5) | 1 | |
Age, moyen(ET) | 36,4(12,4) | 35,1(11,1) | 37(12,9) | 0,99(0,97-1,01) | 0,208 |
Résidence | |||||
Urbaine | 262(87,9) | 83(90,2) | 179(86,9) | 1,39(0,63-3,09) | 0,418 |
Rurale | 36(12,1) | 9(9,8) | 27(13,1) | 1 | |
Niveau d’éducation | |||||
≤ secondaire | 233(78,2) | 80(87) | 153(74,3) | 2,31(1,17-4,57) | 0,016 |
Universitaire | 65(21,8) | 12(13) | 53(25,7) | 1 | |
Statut Matrimonial | |||||
Seul | 185(62,1) | 54(58,7) | 131(63,6) | 0,81(0,49-1,35) | 0,421 |
En couple | 113(37,9) | 38(41,3) | 75(36,4) | 1 | |
Emploie | |||||
Oui | 212(71,1)) | 63(68,5) | 149(72,3) | 1,20(0,70-2,06) | 0,498 |
Non | 86(28,9) | 29(31,5) | 57(27,7) | 1 | |
Religion (/296 patients) | |||||
Catholique | 187(63,2) | 60(65,2) | 127(62,3) | 1 | |
Protestant | 42(19,3) | 15(16,3) | 42(20,6) | 1,32(0,68-2,57) | 0,409 |
Pentecôtiste | 19(6,4) | 5(5,4) | 14(6,9) | 1,32(0,46-3,84) | 0,607 |
Musulman | 18(6,1) | 7(6,6) | 11(5,4) | 0,74(0,27-2,01) | 0,558 |
Autres | 15(5,1) | 5(5,4) | 10(4,9) | 0,94(0,31-2,89) | 0,921 |
Consommation d’alcool | |||||
Oui | 199(66,8) | 59(64,1) | 140(68) | 0,84(0,50-1,41) | 0,517 |
Non | 99(33,2) | 33(35,9) | 66(32) | 1 | |
Tabagisme actif | |||||
Oui | 64(21,5) | 22(23,9) | 42(20,4) | 1,23(0,68-2,21) | 0,494 |
Non | 234(78,5) | 70(76,1) | 164(79,6) | 1 | |
Traitement traditionnel | |||||
Oui | 129(43,3) | 45(48,9) | 84(40,8) | 1,39(0,85-2,28) | 0,191 |
Non | 169(56,7) | 47(51,1) | 122(59,2) | 1 | |
Forme clinique TB | |||||
TB pulmonaire | 277(76,2) | 81(88) | 146(70,9) | 3,03(1,51-6,08) | 0,002 |
TB extra-pulmonaire | 71(23,8) | 11(12) | 60(29,1) | 1 | |
Type TB | |||||
Nouveau cas | 251(84,2) | 72(78,3) | 179(86,9) | 1 | 0,061 |
Retraitement et autres | 47(15,8) | 20(21,7) | 27(13,1) | 1,84(0,97-3,49) | |
Infection à VIH (/280) | |||||
Oui | 115(41,1) | 37(42) | 78(40,6) | 1,06(0,64-1,77) | 0,823 |
Non | 165(58,9) | 51(58) | 114(59,4) |
OR: odds ratio, IC: intervalle de confiance, TB: tuberculose, VIH: virus de l’immunodéficience humaine
Après analyse multivariée dans le groupe TB, les facteurs indépendants associés à la DM était le sexe féminin [odds ratio ajusté (IC à 95%) : 1,85(1,08-3,17)] et la TB pulmonaire [3,13(1,50-6,52)] (Tableau IV).
Tableau IV : Déterminants de la dépression mentale chez les patients atteints de tuberculose
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Facteurs | OR ajusté (IC à 95%) | p |
Sexe féminin | 1,85(1,08-3,17) | 0,026 |
Niveau d’éducation ≤ secondaire | 1,95(0,97-3,93) | 0,063 |
TB pulmonaire | 3,13(1,50-6,52) | 0,002 |
Retraitement de tuberculose/autres | 1,64(0,84-3,20) | 0,145 |
OR: Odds ratio, IC: intervalle de confiance TB : tuberculose
DISCUSSION
Cette étude réalisée dans une région d’Afrique sub-saharienne avait pour but de comparer la prévalence de la DM chez les sujets ayant une TB active à celle des sujets n’ayant jamais eu de TB d’une part et d’autre part de rechercher les facteurs associés à la DM chez les sujets ayant une TB. Les principales informations découlant de cette étude sont : 1) la TB est un facteur de risque de la DM 2) le sexe féminin et la localisation pulmonaire de la TB sont les déterminants de la DM chez les sujets ayant une TB.
La comparaison des prévalences de la DM dans les différentes études est difficile du fait d’une grande variété des questionnaires utilisés pour le dépistage de cet état. Nous avons utilisé pour cette étude le PHQ-9 dont les items sont dérivés du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux[12]. La prévalence de la DM chez les patients atteints de TB dans cette étude était de 30,9%. Cette prévalence est proche de celle rapportée par Baba et al au Nigeria en utilisant le même type de questionnaire[6]. De même dans l’étude de Paula et al au Brésil, la prévalence de la DM basée sur l’échelle Hospital Anxiety and Depression (HADS) était de 31,4% [17]. Par contre, Olusoji et al d’une part et Gong et al d’autre part rapportent des prévalences de la DM plus élevées respectives de 45,5% parmi les patients traités pour TB dans un hôpital de niveau tertiaire au Nigéria [4] et 48% chez les malades atteints de TB en chine[18].
Les études cas-témoins comparant les sujets atteints de TB à un groupe de sujets témoins sont rares. Dans notre étude, les patients du groupe TB avaient un risque plus élevé d’avoir une DM par rapport aux sujets qui n’avaient pas de TB. Quelques auteurs ont rapporté l’association positive entre TB et DM. Il existe une relation bidirectionnelle entre les deux affections. En effet les études de cohorte montrent que le risque de TB est plus élevé chez les sujets déprimés par rapport aux sujets non déprimés. Dans une large étude de cohorte réalisée en Corée du sud le risque de développer la TB était trois fois plus élevé chez les sujets déprimés et ceci avec une relation dose-dépendante en fonction de la sévérité de la DM [19]. En effet la DM est associée à des altérations immunologiques variées incluant la réduction du nombre et de la proportion des lymphocytes ainsi qu’une altération des réponses des lymphocytes T mémoires[20,21]. Dans l’étude de Ige réalisée au Nigeria, les patients avec TB avaient trois fois plus de risque d’avoir une DM en comparaison aux sujets contacts qui n’avaient pas de TB[4]. La TB est une affection débilitante entrainant une stigmatisation pouvant être source d’anxiété et de DM.
Dans le groupe des patients atteints de TB, nous avons trouvé deux déterminants indépendants de la DM : le sexe féminin et la localisation pulmonaire de la TB. D’autres auteurs n’ont pas rapporté ces facteurs comme des facteurs de risque ou ne les ont pas analysés. Par contre, les autres facteurs de risque de la DM rapportés chez les sujets atteints de TB sont la stigmatisation par rapport à la TB, la mauvaise communication et le manque de support social[18,22]. La stigmatisation n’a pas été évaluée dans notre étude. Duko et al rapportent un risque plus élevé de la DM en cas de co-infection TB et VIH [22]. La prévalence de l’infection à VIH était de 40,2% chez nos malades atteints de TB. Dans notre étude, Nous n’avons pas trouvé d’association entre l’infection à VIH et la DM chez les sujets atteints de TB.
Les principales limites de notre étude sont l’utilisation d’un questionnaire pour le diagnostic de la DM et le diagnostic de l’infection à VIH basée sur la déclaration des participants. Néanmoins le questionnaire utilisé dans cette étude pour le diagnostic de la DM est largement validé et les items issus du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux[12]. La prévalence de l’infection à VIH était estimée à 4,3% dans la population générale camerounaise en 2012[23]. Même en tenant compte de cette prévalence le nombre absolu des sujets avec infection à VIH serait de 13 au maximum dans le groupe témoin et n’influerait pas le sens de l’association.
CONCLUSION
La tuberculose est un facteur de risque de la dépression mentale à Yaoundé. Les sujets de sexe féminin atteints de TB et la tuberculose pulmonaire constituent les principaux déterminants de la dépression mentale chez les sujets atteints de TB. Il s’avère important de rechercher la dépression mentale chez les sujets atteints de tuberculose et particulièrement dans les groupes à haut risque, afin d’optimiser la prise en charge globale de ces patients.
Conflit d’intérêt : Aucun pour tous les auteurs
Contribution des auteurs : ADB a conçu l’étude, analysé les données et rédigé le premier draft du manuscrit, NREM a participé à la collecte des données, PYEW a participé à l’analyse des données et à la rédaction du premier draft du manuscrit, OLJK a participé à la conception de l’étude et à la rédaction de la méthodologie, AZE a supervisé l’étude et participé à la rédaction de la méthodologie.
Remerciements : A tous les majors du service de Pneumologie A et B de l’Hôpital Jamot de Yaoundé qui ont contribué à la collecte des données.
REFERENCES